L’épisode politique d’un référendum mort-né sur l’amendement ? le changement ? de la Constitution malgache déjà si sérieusement controversée dès sa naissance en décembre 2010, témoigne de la fragilité des quelques acquis démocratiques obtenus jusque-là à Madagascar. Passé une période de grâce sans anicroche consécutive à la passation de pouvoir présidentiel en janvier 2019, la confusion au sein de diverses entités citoyennes provoquée par le flou autour du projet jumelé temporellement aux législatives du 27 mai 2019 subitement annoncé dans la soirée du vendredi 26 avril 2019, agressive, ne pouvait qu’être désastreuse. En effet, au-delà du tollé autour de son opportunité et de sa validité constitutionnelle, c’est la forme de communication d’abord qui inquiète et interpelle, car elle présage souvent des intentions.
Face à cette impression de précipitation, voire de panique créée par la brutalité de l’information, la succession intempestive de communiqués, déclarations, conférences de presse, mises en scènes politiques infantilisants entre « l’art de la vérité et du mensonge » (Hessel), les questionnements sinon l’inquiétude de l’opinion publique sont légitimes : improvisation autoritaire ? amateurisme politique ? diversion autour d’une panique réelle face aux prochaines échéances législatives ? violence institutionnelle, provocation délibérée ? gouvernance dictatoriale d’une communication politique du « mépris » pour des enjeux politiques et/ou économiques inavoués ? Autant d’interrogations et d’incertitudes qui égarent, déstabilisent de trop et aggravent la défiance des citoyens envers les « gouvernants ».
« La communication politique est l’espace où s’échangent les discours contradictoires des trois acteurs qui ont la légitimité à s’exprimer publiquement sur la politique et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion publique » (Wolton). Étions-nous, serons-nous enfin prêts à respecter cet impératif démocratique ? Faute de débats préalables et d’informations légitimement données et non arrachées sous la pression des citoyens, le public a crié à la trahison. Aucun régime ne peut sortir indemne d’une telle épreuve de force. Au-delà des théories en communication et politique, on peut regretter que la dimension politico-culturelle cardinale du « Teny ierana » interactionnel et délibératif, le souci de la paix et de l’harmonie sociales, aient été simplement ignorés au profit du « Tiankano tsy tiankano », « Didiko fehy lehibe », « Kabary tsy valiana » c’est-à-dire le langage du « top down » autoritaire et intolérant de la pensée unique, le diktat d’une communication répressive vécue.
Ce viol des consciences- forme de violence symbolique sur les populations exaspérées mais apparemment résignées et politiquement apathiques, embourbées au quotidien dans l’insécurité, la précarité, le spectacle insultant des injustices et inégalités sociales- nourrit dépit, frustration, rêve de vengeance incontrôlée, toujours dangereux.
L’espoir d’un vrai changement reste immense de la part d’un peuple avide d’une véritable démocratie sociale et humaine méritée (accès à la santé, l’éducation, l’emploi, au bonheur…), à qui l’on a beaucoup promis, en vain, depuis près de 60 ans : la liberté d’expression, la liberté de presse, le droit d’informer et d’être informé … Il existe une nécessité impérieuse face aux chaînes publiques de gouvernement, excluant les opposants, marginalisant la presse adverse, favorisant les médias « présidentiels ». Il existe une urgente nécessité face aux relations « ambiguës » entre médias publics et pseudo privés des oligarques du pouvoir. Elles restent encore à (re)penser. Notre démocratie est aussi à ce prix.
Fait à Antananarivo, ce 29 avril 2019
ILONTSERA
Ivom-pandalinana ny Tontolon’ny Serasera marolafika eto Madagasikara
Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar
Media Matters Madagascar