La dérive verbale télévisée à connotation racisante d’une reporter de la chaîne publique au cours de la célébration de la fête de l’Indépendance (?) de Madagascar à Mahamasina, au-delà de l’indignation des citoyens et de la promptitude des excuses officielles, nous interpelle. Elle est révélatrice d’un héritage colonial non-dit, masqué sans doute, inconscient et inhibé en profondeur assurément, quand bien même refusé. Elle est la résultante des mémoires et histoires douloureuses, silencieuses, effacées, invisibilisées, tabous, celles qui ont et continuent encore aujourd’hui à investir nos corps, nos comportements, notre mental, nos idées, nos langages…
Les récits tronqués, structurés, relayés ou oubliés dans une amnésie délibérée et renforcée par les dispositifs institutionnels (écoles, medias, églises, armée, commémorations…) encore à l’œuvre, sont ceux des souffrances de nos sociétés racisées et stigmatisées idéologiquement Blancs/Noirs par des pouvoirs esclavagistes, colonialistes, postcolonialistes locaux et étrangers, impérialistes dominants. Cet excès de discours entendu est simplement l’expression de« l’effet-retour » déjà évoqué par A. Césaire. Il hypothèque gravement un dialogue en humanité nécessaire, au sein de nos sociétés locales, nationales, mondiales.
Minorer la dimension anthropolitique de cette bavure et de sa violence confortera les discours et actions hégémoniques sur les peuples « qui ne sont pas encore entrés dans l’histoire ».
Aussi, Ilontsera, bien que consciente de l’inscription dans un processus historique long, rappelle l’urgente nécessité d’une communication pacifiée et décomplexée qui implique une décolonisation audacieuse des formations, de leurs programmes, au niveau des différents dispositifs : école(PSE), université, media, droit, art, administration, politique, écologie, armée, église, culture, santé, société civile…
Ilontsera ose croire aux possibles : celui d’un sursaut solidaire des composantes de nos sociétés- si bouleversées et laminées soient elles par les agressions internes et externes multiformes- celui de la construction d’une Histoire décoloniale impérative, dépolluée, pour une libération créatrice (bonheur ? développement ? progrès ? émergence ? …) et une communication moins violente dans notre monde multipolaire.
Fait à Antananarivo ce 28 juin 2019
ILONTSERA
Ivom-pandalinana ny Tontolon’ny Serasera marolafika eto Madagasikara
Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar
Media Matters Madagascar