Malheureusement, comme l’avait prévenu ILONTSERA dans son communiqué du 27 février 2017, la guerre médiatique fait rage. Face aux dérives dont celles de réveiller les vieux démons, aux dérapages, à la mauvaise foi et aux coups-bas, le tout dans une ambiance délétère, malsaine, dangereuse, le dialogue est aujourd’hui plus qu’urgent entre les belligérants. Car à l’approche des probables échéances électorales, le pire est peut-être devant nous. L’histoire récente nous a démontré que les médias, quel que soit leur camp, ont été à la fois tour à tour les catalyseurs et les victimes des luttes politiciennes, aux prix d’incendies, de saccages, d’emprisonnements, de violences voire de morts d’homme… et de douloureuses fractures sociales.
Plateforme, espace ou autres, un penser collectif est ici et maintenant impératif. Le cas de certains journalistes, militant écologiste et internautes poursuivis dans le cadre du droit pénal entretient le flou sur l’application du Code de la Communication Médiatisée, la loi sur la cybercriminalité et l’interprétation de la liberté d’expression et du droit à l’information. En l’absence d’une application stricto sensu des textes en vigueur via notamment les décrets d’application, voire des amendements, ces poursuites donneront toujours l’impression d’une tentative indirecte de museler la presse et de travestir la vérité à travers des « dossiers ».
L’exemple de la parodie du Président de la République dans son émission « Rendez-vous » en est une illustration : simple délit passible d’amende (port d’une tenue non réglementaire) ? Poursuite « déguisée » pour outrage au Chef de l’Etat ? Au cas où le droit à la parodie, à la caricature et à la satire serait ainsi reconnu, quelles seraient alors les limites ? Des précisions s’imposent dans la mesure où le présent cas risque de faire jurisprudence. Ces genres journalistiques par définition ont toujours existé, à des degrés d’insolence et d’impertinence variables selon la sensibilité de chaque politicien et son appréciation de la liberté et de la démocratie.
Faut-il le rappeler, la révolution numérique est passée par là : grâce aux chaînes satellitaires, Internet, Facebook, YouTube et autres réseaux sociaux, le public, citadin majoritairement certes, est au fait des avancées planétaires en termes de démocratie, de liberté d’expression et surtout d’opinion. Il mérite bien plus de respect : en ne poursuivant ni les auteurs de l’émission, ni les chaînes de diffusion, les autorités compétentes démontrent certes aux yeux du monde leur volonté de respecter ces libertés et droits, cela va de soi. Mais la poursuite et la perquisition par la suite chez un des journalistes-auteurs interrogent les citoyens lorsque les clips de chansons et les films de « Dahalo » exhibent les mêmes armes (factices ?) et les tenues « militaires » légalement dédouanées et librement vendues sur les étals.
Par conséquent, ILONTSERA en tant qu’Observatoire des médias et de la communication dénonce tout acte d’intimidation, de harcèlement et d’atteinte à la personne (physique, psychologique, morale) à l’encontre des journalistes et toute autre personne désirant faire valoir leurs droits à la liberté d’expression et d’opinion. Tout acte de provocation gratuite est tout aussi dénoncé. Cette liberté doit s’exercer dans le respect des règles de déontologie, d’éthique et de moralité. Face à la confusion ambiante dans l’invocation des Code et lois, les décrets d’application s’avèrent urgents. Que l’affaire « Fotoam-bita » ne devienne pas un cas d’école.
Face à la complexité de l’économie dominante dans la médiasphère locale, conjuguant intérêts politico-médiatiques et financiers des patrons de presse, notamment en période d’élection présidentielle, l’égalité de traitement des journalistes et des organes de presse au nom du droit au pluralisme des idées, à la diversité et à la liberté des opinions et du droit aux critiques EST une exigence. Elle demeure le garant d’une meilleure respiration démocratique en l’absence d’une presse réellement affranchie des jougs politico-financiers. Le même traitement égalitaire est réclamé vis-à-vis du droit à l’engagement politique de chaque journaliste quelque soit son choix, voire celui de son patron, pour conjurer les tentations d’abus de la prérogative de puissance politique.
Embourbées dans leurs difficultés quotidiennes, les populations, saignées à blanc sont lassées des querelles politiques et règlements de compte politico-médiatiques qui relèguent au second plan la hausse des prix du riz, de la farine, du café, de la JIRAMA, des carburants… en un mot : leurs souffrances. Sans parler de la lutte contre l’insécurité qui se limite pour l’heure à des opérations de communication pendant que les voyageurs des taxi-brousse, les épiciers, les opérateurs économiques et les propriétaires de bovidés se font braqués et tués un peu partout dans l’île. Et que dire des vindictes populaires qui sont désormais devenues d’une banalité dans la presse. La banalisation de la tendance lourde d’actes de violence multiformes et multi-secteurs, au mépris de l’humain, inquiète profondément.
Aussi, non à l’infantilisation du peuple lorsque, ailleurs, l’heure est déjà au journalisme-citoyen et au public journalism. Engagé pour une conscience médiatique citoyenne, ILONTSERA appelle à plus de retenu et de prise de responsabilité de la part de tous les acteurs médiatiques et politiques. Que le souci du bien commun et du tombontsoa iombonana soient au centre des préoccupations. L’on n’ose imaginer le climat socio-politique et médiatique de 2018 dans la mesure où dès à présent, nombreux médias, déjà en mode pré-campagne, ne se soucient plus que du maintien ou de la conquête du pouvoir au détriment de l’éternelle victime collatérale : le peuple.
Fait à Antananarivo, le 24 juillet 2017
ILONTSERA
Ivom-pandalinana ny Tontolon’ny Serasera marolafika eto Madagasikara
Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar
Media Matters Madagascar