COMMUNIQUE Février 2017

COMMUNIQUÉ

L’année qui commence augure une période sensible pour le pays notamment à l’approche des échéances électorales de 2018. A près d’une année de l’élection présidentielle, le régime en place et les oppositions ne cessent d’affûter leurs armes médiatiques. Du point de vue quantitatif, le nombre de médias entre les mains de chaque camp semble désormais s’équilibrer avec la prolifération à grande vitesse des médias « présidentiels » tandis que plusieurs demandes d’extension d’émission et/ou d’ouverture de nouvelles stations sont en attente depuis 2013.
Une guerre médiatique sera difficilement évitable face aux enjeux politicio-médiatiques qui prévaudront pour cette année 2017, celle de tous les dangers. Les prémices sont déjà là avec la multiplication des vindictes populaires un peu partout dans l’île qui semblent échapper à tout contrôle des autorités compétentes, des forces de l’ordre au magistrats, et qui font l’affaire des politiciens locaux en mal d’étincelle pour allumer le brasier. Sans parler de l’insécurité, devenue le lot quotidien autant des habitants des agglomérations urbaines – avec en sus les séries de longs délestages- que ceux des campagnes où la problématique des Dahalo se règle désormais selon la loi du Talion : oeil pour oeil, dent pour dent.
Cette guerre sera aggravée par l’application des conditionnalités liées à l’octroi des aides financières issues de la dernière Conférence des Bailleurs de fonds internationaux. De nouvelles aides qui pèsent déjà sur la situation socio-économique et politique du pays et de chaque ménage, obligés de supporter les conséquences des mesures d’austérité liées à ces nouvelles dettes comme cela a été toujours le cas depuis le premier Plan d’ajustement structurel (PAS) dans les 90. Que ce soit de la part des médias pro-régime ou ceux de l’opposition, la prise de responsabilité est plus que jamais indispensable en laissant toutes les opinions s’exprimer afin de rendre aux citoyens les repères sociaux et économiques dont ils ont besoin face à beaucoup d’incertitude, de psychose et de dérive.
Plusieurs faits sont à soulever compte tenu de l’implication subjective, voire dangeureuse, des médias de toute tendance dans certaines affaires politico-économiques et médiatiques dont celle de la JIRAMA, les derniers aléas climatiques, le conflit minier d’Anjozorobe, celui de Soamahamanina, les justices populaires (Ikalamavony, Sambava, Mampikony, Befandriana, Betafo, Ambilobe, Mananara nord, Moramanga, Mananjary, Vangaindrano, Ihosy, Antanimora Ambovombe, Ambatolampy, Ampitatafika, etc.), la crise du riz (notamment celui soit-disant en plastique), celle du transport urbain et de la sécurité routière en général, la gestion de certaines grandes villes, le prix des carburants, sans oublier les différentes dérives sur les réseaux sociaux qui deviennent pourtant des sources d’information souvent citées par les médias.
Au mieux, le « pluralisme de l’information » se confond au sensationalisme ; au pire il donne lieu à des positionnements extrémistes alimentés à coup de désinformations et de manipulations médiatiques. Un pluralisme de façade, voire de pseudo-démocratie, celui de l’autocensure, de la peur des menaces à l’encontre d’un organe de presse ou d’un journaliste lorsque les « felaka » et la corruption ou l’ « achat » ne suffisent pas…
L’important « turn over » des journalistes qui prévaut actuellement témoigne de cette disparition des repères même. Ces derniers, face à la précarité du métier et l’inflation galopante, n’ont plus de considération ni pour l’éthique, ni pour la déontologie, encore moins pour la moralité et l’intégrité, migrant d’un camp à un autre, d’un organe à un autre, sans honte ni vergogne, à la limite du délit d’initié, ruinant les idéaux de ce noble métier qu’est le journalisme….. au profit de certains patrons de presse dont les médias servent avant tout leurs intérêts politiques et économiques : la hantise des « invendus »… au profit également d’un pouvoir qui ne s’encombre pas en jouant avec les ambitions des acteurs d’un corps de métier en crise.
La polarisation et la politicisation exacerbées des médias entretiennent dès lors, autant l’impasse sur la prédation autorisée et silencieuse de nos richesses que l’instrumentalisation politico-religieuse éhontée autant des puissances aussi bien publiques que confessionnelles, destructurant ainsi les frontières du « religieux » et du « non-religieux »… du politique, du diplomatique, dans la pratique et l’imaginaire social et politique.
A l’approche des prochaines échéances électorales, les églises « historiques », réservoirs d’électeurs par excellence, sont de plus en plus sollicitées et il est maintenant de bon ton pour le politicien opportuniste – candidat potentiel de surcroît- d’assister aux « grand-messes » religieuses de l’île, avec la complicité bienveillante des médias qui brouillent ainsi en rendant poreuses à leur tour les limites entre laïcité, république, religion….et responsabilité démocratique d’information, d’analyse, de débat pour les citoyens.
Par conséquent, face aux menaces d’explosion sociale qui nous ramènera une fois de plus dans la spirale crisique dont le pays a encore toujours du mal à se défaire depuis 2009, ILONTSERA en tant qu’Observatoire des médias et de la communication, recommande:

  • aux médias et aux journalistes, toutes tendances confondues, à faire preuve de professionnalisme, de loyauté envers les citoyens, et d’assumer comme il se doit leurs responsabilités puisque conscients de la puissance, de la force de frappe et de l’influence dont ils disposent sur les sociétés et chaque individu ;
  • aux autorités compétentes de garantir les mêmes traitements aux journalistes- en particulier sur l’accès à l’information- quelque soit l’organe de presse qui l’emploie, au nom des lois, des chartes et des traitées internationales auxquelles Madagascar est soumis, en premier lieu celles rattachées au respect de la démocratie, des Droits de l’homme et de la liberté d’expression;
  • l’application du nouveau Code de la Communication Médiatisée de manière équitable à tous les médias quelque soit leur obédience politique et leur ligne éditoriale, à défaut d’une opposition parlementaire claire et capable de remettre sur le tapis ce Code accouché dans la douleur, la controverse et la contestation ;
  • A tous personnages publiques, politiques, religieux, au-delà de leur genre respectif et de leur statut, d’observer plus de décence, d’humilité, d’esprit civique, dans leurs comportements et attitudes à l’occasion des « grand-messes » publiques sur tout le territoire, ainsi que l’exige leur rôle délibérément consenti;
  • l’utilisation contrôlée et raisonnée des réseaux sociaux aussi bien par les citoyens que par les médias pour déjouer les velléités annoncées de dérives autoritaires de verrouiller ces réseaux sociaux;
  • l’urgente (re)prise de conscience de chaque citoyen, des autorités publiques, de la Société civile et de toutes les forces vives de la Nation, en premier lieu tous les acteurs médiatiques, quant à la nécessité d’instaurer un environnement socio-médiatique et politique plus sain, réellement au service de la paix, de l’harmonie sociale et du bien commun.

Fait à Antananarivo, le 18 février 2017

ILONTSERA
Ivom-pandalinana ny Tontolon’ny Serasera marolafika eto Madagasikara
Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar
Media Matters Madagascar


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