BILAN MÉDIATIQUE ET COMMUNICATIONNEL DE L’ELECTION PRÉSIDENTIELLE 2018 ET NOUVELLES PERSPECTIVES DÉMOCRATIQUES

Le pays aborde un tournant délicat et décisif de son histoire. Il s’agit désormais de tirer les leçons du passé pour éviter les mêmes erreurs si l’on voudrait mettre fin aux crises cycliques qui mettent à chaque fois à terre les efforts de croissance et de développement du pays, et instaurer réellement la paix et la sérénité pour les années à venir. Comme la tentation d’une « justice du vainqueur » qui empêche de trouver le juste équilibre entre la lutte contre l’impunité, la recherche de la vérité et la nécessité d’une vraie réconciliation notamment dans son aspect médiatique et communicationnel. Notre histoire récente a montré que les journalistes et les médias figurent toujours parmi les « dégâts collatéraux » lors des périodes de changement de régime quand les politiques, eux, peuvent toujours s’esquiver en trouvant un « accord politique ».

            Il est clair que les médias et la communication ont été au cœur de cette élection présidentielle aussi bien en amont qu’en aval, depuis la contestation du Code électoral, en avril 2018 sur la Place du 13 mai, jusqu’à la proclamation des résultats officiels par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) et la Haute Cour Constitutionnelle (HCC) en passant par la contestation des résultats du deuxième tour sur la même Place. Le traitement médiatique et informationnel des scrutins a montré au grand jour les failles, longtemps connues et dénoncées, de notre paysage médiatique dont les conséquences ont atteint leur summum pendant cette élection présidentielle.

            En premier lieu, la dangerosité de l’imbrication de la politique et des médias et les risques qu’encourent les journalistes pendant leur mission du fait de cette relation malsaine. Ensuite, le règne de l’argent-roi inondant toute la presse pendant la propagande. Tout comme la guerre médiatique illustrée par la polarisation du paysage médiatique qui a limité le pluralisme de l’information, donc un choix plus éclairé, pour l’électeur lambda préférant rejoindre en partie le rang des très nombreux abstentionnistes. Surtout qu’aucune limite n’ait pu été imposée permettant la propagation à grande échelle de rumeurs, mensonges, fausses nouvelles, diffamations et manipulation en tout genre dans des médias traditionnels mais surtout sur les réseaux sociaux.

            A chaque citoyen de s’impliquer également davantage dans la vie de la Nation et dans le processus électoral, notamment en vérifiant l’inscription dans la liste électorale, et surtout en suivant plus, et mieux, les informations et les actualités. Sans oublier l’impératif d’une meilleure communication au niveau de toutes les instances électorales ainsi qu’une formation plus soutenue pour tous les personnels de vote en vue d’améliorer les prochaines échéances électorales.

            En outre, la paix des prochaines années sera au prix d’un réel respect de la liberté d’expression, du pluralisme des idées, du droit à l’information, gages de l’application d’un acquis démocratique, au-delà des controverses, qui a mis à la tête du pays un nouveau Président de la République et qui fera émerger une opposition souhaitée appelée à exercer librement et en toute responsabilité ses droits. L’investiture du nouveau Président Andry Rajoelina, le 19 janvier dernier, assistée de tous les anciens Chefs d’Etat, a été déjà un grand pas dans l’histoire de la jeune démocratie malagasy. L’enjeu futur est de capitaliser le geste au-delà du symbolisme et œuvrer réellement ensemble au développement du pays.

Fait à Antananarivo, ce 22 janvier 2019

ILONTSERA

Ivom-pandalinana ny Tontolon’ny Serasera marolafika eto Madagasikara

                                            Observatoire des Médias et de la Communication à Madagascar

                                                                                   Media Matters Madagascar