Kidnapping à Toamasina, quand l’affaire devient médiatique

Les derniers rebondissements dans le dossier de kidnapping de la petite défunte Annie et de son frère Arnaud, libéré après 52 jours de captivité font rebondir des aspects inattendus de l’affaire, dont le côté médiatique. En effet, au-delà du caractère judiciaire et crapuleux de l’histoire, elle soulève plusieurs problématiques liées aux médias.

Tout d’abord, la guerre entre le tout puissant Syndicat des Magistrats de Madagascar (SMM) et les journalistesquand certains organes de presse (TV Plus, Viva et le journal Taratra ont été nommément cités)  ont révélé la suspicion de l’implication présumée d’un magistrat dans l’affaire. Une version réfutée vigoureusement par le syndicat obligeant les journalistes incriminés, et le corps de métiers en général à se faire petits (communiqué de presse OJM) et présentant jusqu’à des excuses publiques. La rumeur de la participation d’un « personnel » de la justice, relayée par la presse, avait déjà provoqué des menaces de lynchage et d’incendie du palais de la justice de la capitale de l’Est quand Annie a été tuée.

 Mais l’arrestation puis la mise sous mandat de dépôt d’un juge de Toamasina, 24 heures après la déclaration du SMM, est venue confirmer l’information. Ce qui soulève au moins trois questions : le droit à l’accès aux sources des journalistes en quête de toutes informations pouvant être utiles dans l’exercice de leurs fonctions, le droit à l’information du public et le secret de l’instruction, car si la presse a eu vent de cette présumée participation d’un juge, c’est qu’une « fuite » a eu lieu quelque part.

Ensuite, la divulgation de l’identité et la mise à la Une de la photo du juge incriminé (image la Une de Tia Tanindrazana) font crier encore une fois de plus au scandale certains magistrats qui exigent le respect de la présomption d’innocence. Du côté médiatique, cet épisode soulève plutôt la question du droit à l’image dont la mise en pratique n’est encore dans le pays qu’une vague notion. Mais même ailleurs, les avis sont partagés entre l’école anglo-saxonne qui veut qu’on montre « tout » et celle francophone qui veut préserver avant « tout » l’image d’un inculpé.

Dans le pays, la pratique est plutôt de taire l’identité d’un inculpé, mais la problématique se situe plus sur le« poids » du personnage cité. L’on a plutôt l’habitude d’articles rapportant, par exemple, « un directeur soupçonné de détournement dans un ministère », ou d’«un opérateur connu impliqué dans une affaire », d’« un directeur convoqué au BIANCO », etc. Mais ce n’est pas toujours le cas pour les simples gens. Cependant, les choses sont en train de changer progressivement comme l’illustrent ces derniers temps la citation d’identités d’anciens ministres, Directeurs généraux (affaire JIRAMA), anciens chefs de région ou des maires.

Le dernier volet médiatique de l’affaire est l’interview exclusive accordée à la chaîne TV Plus par le père des enfants kidnappés. Face à des allusions rapprochant l’affaire de rapt à ses activités d’opérateur économique dans le secteur bois (de rose), et face à l’exigence de la « demande médiatique », Arland Ramialison est monté aux créneaux pour apporter ses versions des faits.  Allant de révélation en révélation, il a notamment confirmé l’implication d’une ancienne greffier, d’un pénitencier, de la nécessité pour la famille de faire appel à des dizaines d’éléments civils, etc.

La démarche est certes inhabituelle (vu que la majeure partie des kidnappés sont des « Karana »  qui préfèrent plutôt la discrétion) mais elle peut s’expliquer par l’énormité qu’est en train de prendre le dossier. Elle pourrait en effet mettre à jour pour une fois la chaîne (pénale) de la grande corruption à Madagascar illustrée par ce « corps à corps » entre les instances citées : la Présidence (qui prend en main l’affaire au détriment des règles de procédures adéquates), les magistrats, l’institution pénitentiaire, les forces de l’ordre, les opérateurs économiques et les journalistes.

Mamelasoa RAMIARINARIVO